Premières lignes #33 - 2019


Vie quotidienne de FLaure : Premières lignes #33 - 2019

Premières lignes #33 - 2019


Rendez-vous pour vous donner envie de découvrir ma lecture du moment
Les premières phrases … avant de lire ma chronique dans quelques temps.
 
Vie quotidienne de FLaure : Premières lignes #33 - 2019
Juste quelques voitures sur le parking, celles des profs, des apprentis majeurs, garées un peu n’importe comment, mordant sur le trottoir et sur la pelouse détrempée ; les carrosseries brillent sous le crachin ; des scooters, aussi, quelques-uns déglingués, frangés de rouille, qui prennent racine de semaine en semaine. Quelques motos bricolées, des 125 déguisées en 600. Le sol est marqué de grosses taches d’huile. Les gouttelettes aussi minuscules et légères que des grains de poussière flottent indéfiniment dans l’air avant d’atteindre le sol. L’odeur des feuilles et de la terre mouillée.
Les décorations de Noël viennent d’être décrochées.
Antoine remonte le col de sa veste, enfonce les poings dans ses poches. Ses cheveux mouillés lui dégoulinent dans la nuque et sur le front. Il se déplace dans la pénombre. Les jours rallongent déjà. Il y a quinze jours, quand il a quitté le garage de son patron pour entamer sa session de cours au lycée, il faisait déjà nuit à cette heure.
Il longe les terrains de basket et de Hand protégés par une grille. Déserts sous cette bruine, abandonnés. L’année dernière ils venaient y jouer avec sa classe de 3e. Grâce à sa taille, il était un partenaire de qualité. On le choisissait toujours, et les balles qu’il recevait il les mettait presque à chaque fois au fond du panier ou des cages. Il oubliait tout. Se sentait intouchable. Ne pensait qu’à la balle, au panier, au filet. Il entend encore l’écho vibrant du ballon qui frappait le sol.
Un jour, le prof lui a dit qu’il devrait s’inscrire au club ; qu’il était doué ; qu’il avait une bonne foulée, des gestes précis, un bon timing. Il manquait de technique, de souffle, de patience ; mais la technique ça s’apprend, le souffle ça se trouve et la patience ça s’invente. Comment est-ce qu’il s’appelait, déjà, ce prof ? Impossible de se souvenir. J’oublie tout en ce moment, pense Antoine. J’oublie tout depuis des mois. J’ai la tête trouée.
Et ses camarades de classe de l’année dernière ? Pendant quelques secondes il s’obstine à tenter de retrouver des visages pour y coller un nom, mais toute cette période s’enfuit dans le brouillard. La pluie délave ses souvenirs et les emporte dans la terre.
Plus loin, les projecteurs du nouveau stade dessinent sur le ciel un arc lumineux. Les tribunes découpent leurs angles audacieux sur la forêt et le ciel noir, sans étoiles. Des sifflets, des cris et des éclats de rire déchirent le silence.
Des jeunes s’entraînent sur la piste d’athlétisme qui cerne la pelouse. De minuscules silhouettes qui s’élancent dans la lumière crue des projecteurs. Des filles, des garçons, une douzaine. Qui fendent l’air, s’y vrillent sans bruit, splendides fléchettes animées d’une légèreté et d’une grâce folle. Leurs foulées sur la piste caoutchouteuse, entre les lignes blanches, ne produisent aucun son. Comme s’ils n’avaient pas de poids.

La vie c'est vraiment qu'une question d'amour et de mort

Titre : Ce que diraient nos pères (18 septembre 2019) [à partir de 12 ans]
Auteur : Pascal RUTER
Éditeur : Didier Jeunesse
Nombre de pages (papier) : 213

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.
Il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit (premières phrases) d’un roman. Il vous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

À bientôt

FLaure

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