Premières lignes #34 - 2019
Premières lignes #34 - 2019
Rendez-vous pour
vous donner envie de découvrir ma lecture du moment
Les
premières phrases … avant de lire ma chronique dans quelques temps.
PROLOGUE
Le
jour de leur départ, les clients doivent libérer la chambre à midi.
À
11 heures, le cinquième étage du Lexington Hôtel s’est presque entièrement
vidé. Nous sommes dans le centre de Manhattan, où même les touristes ont un
planning chargé : musées, grands magasins et monuments. Les clients qui
espéraient faire la grasse matinée ont été réveillés par les voix des femmes de
ménage, qui s’interpellent en espagnol quand elles entrent et sortent de la
buanderie située à côté de l’ascenseur. Elles préparent les chambres pour
l’invasion de l’après-midi.
Les
plateaux de petit déjeuner qui parsèment le couloir indiquent celles qui n’ont
pas encore été nettoyées.
Il n’y
a pas de plateau devant la porte de la suite avec terrasse.
Tous
les matins, un exemplaire du New York
Times est distribué gracieusement dans chaque chambre.
Cadeau négligé
par l’occupant de la suite. Le journal est toujours sur le paillasson, intact.
L’écriteau « NE PAS DÉRANGER » pend à la poignée.
Consuela
Alvarez choisit de garder cette chambre pour la fin. Puis, lorsque toutes les
autres ont été faites, elle ne peut plus attendre. Une vive douleur dans le bas
du dos la fait grimacer : elle a déjà changé une dizaine de lits ce matin
et récuré autant de cabines de douche. Elle frappe à la porte avec son passe
magnétique. « Femme de chambre ! » s’écrie-t-elle et elle attend
la réponse.
Rien.
La
première chose qu’elle remarque en entrant, c’est le froid. Un courant d’air
glacé passe entre les rideaux. Faisant claquer sa langue d’un air
désapprobateur, elle marche jusqu’à la fenêtre et tire sur le cordon. Une
lumière grise envahit la chambre.
Où
règne le plus grand désordre. Elle ferme brutalement la porte.
La
personne couchée dans le lit ne bouge pas.
« S’il
vous plaît… Il faut vous réveiller », dit Consuela, gênée.
Le
drap couvre le visage. Il estompe les contours du corps, qui semble enseveli
sous plusieurs épaisseurs de neige.
En
balayant du regard la lampe renversée, le verre à vin brisé, Consuela est
soudain gagnée par un mauvais pressentiment. L’année dernière, il y a eu un
décès au premier étage. Une sale histoire. Un jeune homme a fait une overdose
dans la salle de bains. Et l’hôtel était complet. Il a fallu nettoyer la
chambre pour accueillir le nouvel arrivant, à 17 heures.
À y
regarder de plus près, plusieurs détails lui semblent anormaux, voire étranges,
dans cette suite. Qui se couche en laissant un verre brisé sur la moquette, au
risque de marcher dessus le lendemain matin ? Qui dort avec le drap sur la
tête ? Des chambres d’hôtel, Consuela en a vu un paquet, et la scène qui
s’offre à ses yeux lui paraît bizarre.
Fabriquée,
même.
Elle
se signe. Et pose une main tremblante sur le drap, là où doit se
trouver l’épaule. Elle la secoue délicatement.
Au
bout d’un moment, une fleur rouge éclot sur le coton blanc, à l’endroit où
s’est posée sa main.
Elle
sait maintenant qu’il se passe quelque chose de grave. De nouveau, elle touche
le drap, d’un doigt seulement. Et de nouveau, comme de l’encre qui traverse un
mouchoir en papier, un pétale écarlate se déploie.
Consuela
rassemble tout son courage et, de la main gauche, elle soulève le drap.
Avant
même de pouvoir enregistrer ce qu’elle voit, sa main droite se lève pour
exécuter un autre signe de croix. Mais, cette fois, elle n’a pas le temps
d’atteindre le front. Elle redescend vers la bouche pour étouffer un hurlement.
→ Qui se trouve sous ce drap. Nous commençons les
chapitres cinq jours avant cette découverte.
Titre
: Mensonge (18 septembre 2019)
Auteur
: JP DELANEY
Éditeur
: MAZARINE EDITIONS
Nombre
de pages (papier) : 430
Ce rendez-vous
hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.
Il s’agit de
présenter chaque semaine l’incipit (premières phrases) d’un roman. Il vous
permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une
atmosphère.
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