Premières lignes #26 - 2019
Premières lignes #26 - 2019
Rendez-vous pour
vous donner envie de découvrir ma lecture du moment
Les
premières phrases … avant de lire ma chronique dans quelques temps.
Si
l’on imaginait le paradis terrestre sous la forme d’un village, ce serait
SAINT-SORLIN.
Le
long des rues pavées qui dévalaient la pente douce jusqu’au fleuve, chaque
façade constituait un jardin. Pendant que les glycines suspendaient leurs
lampions mauves aux étages, les géraniums flambaient aux fenêtres, la vigne
illuminait les rez-de-chaussée, les digitales fusaient derrière les bancs,
tandis que des brins de muguet pointaient entre les pierres, compensant leur
taille menue par un puissant parfum.
À qui
le traversait, SAINT-SORLIN-EN-BUGEY donnait le souvenir de n’avoir qu’une
saison : le mois de mai. La fleur y abondait, vive, drue, insolente,
réduisant les maisons à des supports. Sous un ciel bleu et naïf, une
conspiration de roses envahissait les murs, des roses roses, dodues, épanouies,
plus mûres que des fruits mûrs, vibrantes, prospères, exhibant une chair de
pétales qui appelait les caresses ou les baisers, des roses noires, pudiques et
empourprées, des roses rouges, sèches et sveltes, des roses jaunes aux
fragrances de poivre fin, des roses orange, muettes sans odeur, des roses
blanches, effarouchées, éphémères, trop vite déçues, déjà oxydées. Ici ou là,
tels des sauvages venus camper en ville, de minces églantiers au feuillage
grenu présentaient des boutons rubescents dont les habitants tiraient de la
confiture. Bordant la margelle du lavoir, d’épais hortensias parme gratifiaient
les lieux d’une respectabilité bourgeoise. De l’église Sainte-Marie-Madeleine
aux rives du Rhône, la végétation extravaguait à SAINT-SORLIN.
Place
de la Halle, cheminait Lily BARBARIN, une dame âgée dont le charme s’accordait
aux coquettes ruelles. Souriante, fluette, le teint délicat, le nez précis, les
yeux clairs, elle offrait l’effigie de la bonté. Si SAINT-SORLIN figurait le
paradis, à coup sûr Lily incarnait la grand-mère idéale ! Bienveillante,
soucieuse d’aider ses concitoyens, elle paraissait faire de la vieillesse un
effacement poli mêlé d’altruisme. Pourtant, la vie aurait dû la mener à la
haine, la cantonner au ressentiment. N’avait-elle pas été harcelée durant des
décennies ? N’avait-elle pas été dédaignée, malmenée, trahie,
détestée ? Et surtout, n’allait-elle pas, le lendemain, comparaître en
justice pour meurtre ?
→ Quatre nouvelles qui nous dévoilent quatre
destins, quatre histoires.
Titre
: La vengeance du pardon (1 septembre 2017)
Auteur
: Éric-Emmanuel SCHMITT
Éditeur
: Albin Michel
Nombre
de pages (papier) : 326
Ce rendez-vous
hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.
Il s’agit de
présenter chaque semaine l’incipit (premières phrases) d’un roman. Il vous
permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une
atmosphère.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
J'ai été obligée de remettre un antispam, je recevais des messages "anonymes" en nombre. Désolée.
Pour vous aider à publier votre message, voici la marche à suivre:
• Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
• Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire ou vous pouvez rester ANONYME
- Cocher la case "M'informer" pour recevoir un e-mail en cas d'une réponse de ma part
• Cliquez sur Publier enfin. Merci.
Le message sera publié après modération.